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La crise du coronavirus a entrainé l’édiction, par voie législative ou réglementaire, de diverses mesures destinées à faire face aux troubles suscités par l’état sanitaire de crise. Deux de ces mesures revêtent un impact fiscal particulier.

  1. UN REPORT GENERAL DES DELAIS

L’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit un mécanisme général de report des délais légaux :

- les formalités qui auraient dû être accomplies entre le 12 mars et le 24 juin 2020 (appelée « période de référence ») seront réputées avoir été faites à temps si elles ont été effectuées dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, c'est-à-dire avant le 25 août 2020.

- la suspension de ces délais ménage notamment les délais d’instruction de l’administration fiscale principalement dans les procédures où le silence de l’administration fiscale vaut acceptation,

- les délais de reprise impartis à l’administration concernant toutes les impositions sont suspendus lorsque la prescription doit être acquise au 31 décembre 2020 ;

- les délais impartis à l’administration et aux contribuables dans le cadre du contrôle de l’impôt sont suspendus pendant la période de référence ; de même, les délais applicables en matière de recouvrement et de contestation des créances publiques prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action sont suspendus jusqu’au 24 août 2020 : les procédures de poursuite devraient donc être suspendues pendant la période de crise.

Attention : cette prorogation ne bénéficie pas aux déclarations servant à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes ; les échéances déclaratives en matière d’IS, IR et de TVA notamment ont été annoncées comme étant maintenues pour l’instant.

  1. UNE EXONERATION EXCEPTIONNELLE AU PROFIT DES RENONCIATIONS DE LOYERS

Certains bailleurs ont décidé, par solidarité avec leurs locataires professionnels ou commerciaux privés de leurs entreprises, et donc dans l’incapacité de faire face à leurs charges locatives, de renoncer à percevoir les loyers qui leur étaient dus pendant cette période.

L’article 3 de la loi de finances rectificative pour 2020 insère, dans le code général des impôts, un article 14 B ainsi rédigé : « ne constituent pas un revenu imposable du bailleur les éléments de revenus relevant du présent I ayant fait l'objet, par le bailleur, d'un abandon ou d'une renonciation au profit de l'entreprise locataire entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 dans les conditions et limites mentionnées au 9° du 1 de l'article 39. L'application du présent article ne fait pas obstacle à la déduction des charges correspondant aux éléments de revenus ayant fait l'objet d'un abandon ou d'une renonciation. Lorsque l'entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bénéfice des dispositions du présent article est subordonné à la condition que le bailleur puisse justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l'entreprise ». Le même texte complète l’article 39, 1 du CGI en ajoutant, à la liste des charges déductibles, « les abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n'ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur au sens du 12 du présent article consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, dans leur intégralité » ; il y intègre également un article 92 B aux termes duquel « les éléments de revenus relevant du présent VI ayant fait l'objet d'une renonciation dans les conditions et limites mentionnées au 9° du 1 de l'article 39 ne constituent pas une recette imposable de la personne qui a renoncé à les percevoir ».

Règles générales. D’une façon générale, cette exonération bénéficie à l’ensemble des bailleurs, quels que soient leur régime fiscal, qu’il s’agisse de bailleurs particuliers ou sociétés civiles immobilières soumis à l’impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers (article 13 B nouveau), ou des bailleurs soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (article 39, 1-9 nouveau) ou des bénéfices non commerciaux (article 92 B nouveau).

De même, s’agissant des locataires bénéficiant d’un abandon de loyer, de la part du bailleur les nouveaux articles 14 B et 39 du CGI n’évoquent le locataire que sous le terme d’« entreprise » : à défaut de plus amples précisions, la renonciation peut ainsi concerner non seulement les loyers professionnels commerciaux, mais aussi les loyers professionnels libéraux. Les abandons de loyers consentis aux locataires de logements, nus ou meublés, à usage d’habitation n’ouvrent pas droit à cette disposition, et demeurent imposables dans les conditions ordinaires.

Cette exonération ne s’applique cependant pas de la même façon selon le régime fiscal du bailleur.

Bailleurs soumis aux revenus fonciers. Le nouvel article 13 B du code général des impôts instaure, pour ces bailleurs, un double avantage fiscal concernant les revenus fonciers imposables, et les charges foncières déductibles.

Les loyers que le bailleur a renoncé à encaisser doivent, en principe, être compris dans les recettes brutes, pour la détermination de son revenu foncier, dès lors qu'ils peuvent être regardés comme constitutifs d'un acte de disposition ou d'une libéralité au bénéfice du preneur. La jurisprudence, relayée en cela par l’administration, considère de longue date que l'acte par lequel un propriétaire a consenti l'abandon de ses droits sur les loyers est, par nature, un acte de disposition : l'intéressé est alors redevable de l'impôt à raison du montant des loyers dont il a ainsi disposé (CE 15 déc. 1941 n°65208 ; CE 20 déc. 1943 n°71042, RO p. 398 ; BOI-RFPI-BASE-10-10 n°70, 12 sept. 2012). Le nouvel article 14 B du CGI déroge à ce principe : ainsi, les bailleurs renonçant, en raison de la crise du coronavirus, à percevoir le loyer qui leur est dû par une entreprise à laquelle ils louent un local ne seront pas imposables sur le montant du loyer qu’ils auront ainsi renoncé à percevoir. Si le Conseil d’Etat a déjà admis que le bailleur pouvait bénéficier d’une telle exonération lorsqu’il excipait d’un intérêt à renoncer à titre temporaire à la perception du loyer convenu pour ne pas accroître les importantes difficultés de trésorerie du preneur (CE 29 mai 1991 n°75021, Winter ; CE 29 mai 1991 n°75022, Kauffmann : RJF 7/91 n°956), on remarquera toutefois que, à la différence de l’exonération jurisprudentielle, l’exonération législative n’exige pas en principe que l’entreprise locataire connaisse des difficultés économiques importantes : les abandons de loyer consentis par des bailleurs complaisants entre la date de déconfinement et le 31 décembre 2020 bénéficieront ainsi systématiquement de cette exonération. Cette condition de difficulté financière est cependant exigée lorsque l’entreprise est dirigée par un ascendant ou un descendant du bailleur, ou par un membre de son foyer fiscal. Cette exonération est cependant subordonnée à deux conditions :

- d’une part, l’abandon de loyer doit avoir été consenti entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 : cette précision emporte pour conséquence que les bailleurs pourront bénéficier de cette exonération y compris à raison des abandons de loyers qui auraient été consentis après le déconfinement, et en l’absence de toute difficulté économique rencontrée par l’entreprise locataire. Cette disposition se révèle plus avantageuse, et plus généreuse, pour le bailleur, que l’avantage édicté par la jurisprudence ;

- d’autre part, l’entreprise locataire ne doit avoir aucun lien de dépendance avec le bailleur, ce qui implique une extranéité complète entre bailleur et locataire. Le bailleur détenant, par l’intermédiaire d’une SCI, l’immeuble dans lequel est exploitée sa propre entreprise ne pourra donc pas bénéficier de cette disposition. Il devrait cependant, à notre avis, pouvoir bénéficier de la tolérance jurisprudentielle instituée par les arrêts du 29 mai 1991.

Si les loyers que le bailleur a renoncé à percevoir au titre de la crise du coronavirus ne seront donc pas imposables, les charges foncières qu’il aura acquittées à raison de l’immeuble ou du local ainsi loué seront toutefois intégralement déductibles de ses revenus fonciers. Le bailleur, qui aura alors perçu un loyer pour la période courant du 1er janvier au 15 avril mais qui aura renoncé à percevoir un loyer entre le 15 avril et le 31 décembre, établira alors, au printemps 2021, une déclaration de revenus fonciers comprenant, d’une part les revenus fonciers perçus sur le local loué entre le 1er janvier et le 15 avril 2020, et d’autre part, les charges foncières afférentes au même local, et qu’il aura exposées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020. Il n’y aura pas lieu de proratiser la déduction de ces charges à concurrence de la période durant laquelle il aura encaissé les loyers.

Bailleurs soumis aux bénéfices industriels et commerciaux. Il est de principe que l'entreprise peut, lorsque les circonstances l'exigent, renoncer à percevoir un loyer en contrepartie, voire même ne percevoir qu'une partie du loyer qui serait normalement dû par le preneur : dans cette situation, il y a lieu de transposer la règle dégagée en matière de revenus fonciers, à savoir que le bailleur est réputé avoir perçu le montant du loyer puis en avoir disposé au profit du locataire, de telle sorte que le montant du loyer doit être réintégré dans les résultats du bailleur (CE 24 nov. 1976, req. no94105, RJF 1977, no22 ; CE 30 mars 1992, req. no79541, Martinon, RJF 1992, no591). Les circonstances peuvent toutefois permettre de regarder un abandon de loyer comme procédant d'un acte de gestion normale de la part de l'entreprise : il en va ainsi, par exemple, en cas de difficultés financières du locataire (CE 9 mai 1990, req. no71453, SCI Paradis immobilier, RJF 1990, no797). Le nouvel article 39, 1 du CGI étend cette exonération aux bailleurs renonçant à percevoir les loyers qui leur sont dus par leurs locataires entreprises, entre le 15 avril et le 31 décembre 2020, sous réserve toutefois que l’entreprise n’ait pas de lien de dépendance avec le bailleur au sens de l’article 39, 12 du même code : la notion de liens de dépendance est ici appréciée par référence aux conditions de détentions de capital ou de contrôle par une entreprise tierce.

Bailleurs soumis aux bénéfices non commerciaux. Le nouvel article 92 B précise que lorsque le bailleur est soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux, les loyers auxquels il a renoncé ne sont pas compris dans ses recettes imposables.

 

Emmanuel CRUVELIER
Docteur en droit,
Fiscaliste

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